Cour Interaméricaine des droits de l'Homme : Les membres du réseau DESC (réseau international pour les Droits Économiques, Sociaux et Culturels) présentent les contributions visant à clarifier les obligations des États face à l'urgence climatique

Date de publication : 
Mercredi, 24 avril 2024

Le jeudi 25 avril 2024, les membres du réseau DESC présenteront deux interventions orales devant la Cour Interaméricaine des droits de l'Homme à la Barbade. Les membres aborderont des questions telles que les pertes et dommages, et demanderont à la Cour de se prononcer sur les réparations climatiques et sur les obligations des États de garantir les droits de l'Homme en vertu de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).

En 2023, la Colombie et le Chili ont soumis une requête à la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) demandant un avis consultatif « pour clarifier la portée des obligations des États... pour répondre à l'urgence climatique dans le cadre du droit international des droits de l'Homme... ainsi que sur la nature et la survie de l'Homme sur notre planète ».

La Cour Interaméricaine a répondu en invitant les parties prenantes concernées, telles que la société civile, les universités et les institutions, à soumettre des observations écrites. Des audiences publiques ont été programmées, la première étant fixée du 23 au 25 avril 2024, et les suivantes au Brésil du 24 au 29 mai 2024. 

Contributions du réseau DESC :

Le jeudi 25 avril 2024, les membres du réseau DESC présenteront deux interventions d'amicus curiae déposées en 2023.

1. Première intervention

Cette soumission, élaborée pendant la COP28 par les membres du réseau DESC La Ruta del Clima, CIEL, AIDA et approuvée par le Réseau, demande à la Cour de se prononcer sur les réparations climatiques et sur les obligations des États de garantir les droits de l'Homme dans le cadre de la CCNUCC. 

2. Deuxième soumission

Cette soumission a été élaborée par neuf membres avec la coordination du Secrétariat DESC, et se concentre sur plusieurs perspectives clés à partir desquelles toutes les obligations en matière de droits de l'Homme liées au climat peuvent être considérées de manière adéquate.

Quelles sont nos contributions?

Dans la première soumission, la déclaration ouverte aborde les pertes et dommages, un concept utilisé dans la politique climatique internationale qui fait référence aux impacts climatiques qui ne peuvent être évités par des mesures d'adaptation et d'atténuation, conduisant à des dommages dévastateurs pour les droits de l'Homme. La lettre souligne que les États en développement ont insisté sur la nécessité de reconnaître et de traiter les pertes et dommages comme un élément central de l'action climatique mondiale, alors que les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre ont constamment cherché à se protéger contre l'octroi de réparations pour les effets de la crise climatique.

Ainsi, la lettre ouverte appelle la Cour à élaborer un avis consultatif qui traite des pertes et dommages d'une manière conforme aux obligations des États en vertu du droit international, reconnaît que les communautés touchées par la crise climatique ont droit à des réparations, et reconnaît que les États ont l'obligation de réparer les dommages causés par leurs contributions historiques au changement climatique.

Dans la seconde soumission, la contribution de 100 pages reconnaît que le changement climatique est un phénomène sans frontières qui affecte tous les droits de l'Homme et qu'il est donc ancré dans les principes d'indivisibilité et d'interdépendance fondés sur les droits à l'égalité, à la vie, à l'intégrité personnelle, à la santé, à un environnement sain, à l'autodétermination et aux droits associés, ainsi qu'à l'accès à la justice. Il se concentre sur plusieurs perspectives clés, notamment:

A. l'équité internationale,
B. l'égalité le long des lignes d'intersection de l'identité,
C. la justice intergénérationnelle,
D. les transitions justes et équitables,
E. la responsabilité des entreprises et la prévention de leur emprise, et
F. l'accès à la justice.

La soumission traite de la façon dont les dimensions mondiales, les inégalités historiques et les inégalités persistantes actuelles liées au changement climatique exigent que la réponse en matière de droits de l'Homme accorde une attention particulière aux obligations extraterritoriales et aux obligations de solidarité et de coopération internationales. Elle explique comment les effets disproportionnés et inégaux du changement climatique sont contraires aux droits de l'Homme et exigent que la garantie de l'égalité et de la non-discrimination le long des lignes d'identité intersectionnelles soit au cœur de toutes les réponses à la crise.

Dans ce document, les membres expliquent en détail comment les impacts disparates sur un groupe particulièrement vulnérable - les jeunes et les générations futures - exigent la pleine reconnaissance et l'application des principes de justice intergénérationnelle dans les questions relatives aux droits de l'Homme et au changement climatique. Les membres analysent également comment les transitions énergétiques, économiques et autres qui cherchent à répondre au changement climatique doivent être justes et équitables, respecter les droits de l'Homme - tels que les droits à l'autodétermination, à l'autonomie territoriale et à l'auto-gouvernement des Peuples Autochtones - et doivent être réelles, en rejetant les fausses solutions. 

Le document souligne également que la responsabilité des entreprises, y compris la prévention et l'atténuation de l’emprise des entreprises, est essentielle pour répondre de manière équitable et efficace à la crise climatique et pour renforcer les garanties juridiques afin de mettre fin aux dommages actuels et de prévenir les dommages futurs. Enfin, les membres discutent des normes des droits de l'Homme relatives à l'accès à la justice qui sont fondamentales dans le cadre de l'urgence climatique.

Cette soumission a été déposée au nom de nos membres : Asociación Interamericana para la Defensa del Ambiente (AIDA), Due Process of Law Foundation (DPLF), European Centre for Constitutional and Human Rights (ECCHR), FIAN International, Forest Peoples Programme (FPP), Legal Defense Institute (IDL), Jacqueline Dugard, Minority Rights Group International (MRG), Economic, Social and Cultural Rights Project (ProDESC).

Exigences et recommandations

1. Intégrer les perspectives de genre et intersectionnelles

Les membres soulignent la nécessité d'accorder une place centrale aux groupes particulièrement vulnérables et historiquement exclus des processus décisionnels en intégrant des perspectives de genre et intersectionnelles dans leur préparation, leur mise en œuvre et leur suivi. Pour construire une transition juste et équitable, les États doivent s'abstenir d'adopter ou de soutenir des mesures et des programmes d'adaptation et d'atténuation illusoires et dépourvus de vérification scientifique, également connus sous le nom de fausses solutions.

2. S'attaquer à la mainmise et à la responsabilité des entreprises

Les fausses solutions trouvent souvent leur origine dans la mainmise des entreprises sur les politiques et les programmes visant à endiguer la crise climatique. Les membres soulignent que les États ont l'obligation de garantir la responsabilité et d'empêcher la mainmise des entreprises en veillant à ce qu'elles s'acquittent de leurs responsabilités. 

3. Renforcer les cadres réglementaires sur la protection de l'environnement

L'avis consultatif devrait exiger des États qu'ils prennent des mesures pour prévenir le changement climatique, notamment en adoptant et en appliquant des lois, des réglementations et des politiques qui obligent les entreprises à réduire leurs émissions et à prévenir les violations des droits de l'Homme résultant de leur impact sur l'environnement.

4. Garantir l'accès aux mécanismes de réparation

Des mesures appropriées doivent être prises pour garantir l'accès à des mécanismes de réparation efficaces en cas de préjudices pour les droits de l'Homme liés au changement climatique ou aux mesures d'atténuation. Les États doivent veiller à ce que les entreprises qui ont contribué au changement climatique participent à des mécanismes de recours qui réparent les préjudices et répondent aux préoccupations soulevées par les personnes touchées. 

5. Garantir l'accès à la justice dans les litiges liés au climat

Les membres reconnaissent l'importance de l'accès à la justice dans le contexte du changement climatique. Il est important que la Cour Interaméricaine précise les normes minimales en matière de garanties et de protection judiciaire dans le cadre des litiges climatiques. L'Avis Consultatif est l'occasion pour la Cour de rassembler les règles et les principes qui ont été établis dans différents contextes.